En ce pas joli mois de mai 2014, Fleury Michon remet le couvert de son "jambon recette authentique", avec une publicité à laquelle il est difficile d'échapper sur le petit écran. Et à laquelle il est difficile de croire.
Comme c'est authentique, on nous sort la traditionnelle vitrine du début du XXe siècle (1905 est la date précisée par la pub), puis un homme, que nous identifions comme un chef cuisinier (avec le logo "Fleury Michon" brodé sur la veste blanche de cuistot), vaque dans une cuisine type restaurant à l'hygiène irréprochable en nous expliquant pourquoi qu'il est si bon, depuis plus d'un siècle, le jambon Fleury Michon.
Cet homme, c'est Laurent Marko, chef cuisinier recherche et développement chez Fleury Michon.
Verbatim de son discours : "En 1905, chez Fleury Michon, on prenait le temps de cuire lentement notre jambon dans un bouillon. C'est comme ça qu'on faisait le meilleur jambon charcutier. Et c'est toujours comme ça que l'on fait pour notre recette authentique. On le cuit lentement, dans un bouillon qui a du goût, riche en aromates, avec de bons légumes. Quand une recette est bonne, il n'y a pas de raison d'en changer."
Bon, hé, le coup de la tradition, avec la façade antique, la cuisine nickel et le jambon d'un seul bloc tranché manuellement, faut pas nous le faire : on est pas chez mon charcutier mais chez un géant de l'agro-alimentaire.
D'abord, la soi-disant boutique où est fabriqué le jambon nous est présentée ainsi...
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Capture d'écran publicité Fleury Michon (D.R.). |
... alors qu'en définitive, Fleury Michon, à Tilloy-lez-Cambrai (Nord), c'est plutôt de ce genre-là.
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Document D.R. |
Bref, c'est une usine, pas la boutique "vintage" de mon boucher-charcutier-volailler-tripier-traiteur.
Une recette forcément différente de celle de 1905
Ensuite, la pub tente de nous faire gober que notre jambon tout flotteux qu'on achète en barquette plastique au rayon frais du supermarché, il est fait dans une belle cuisine, un faitout par jambon, avec des bons légumes, que des cuistots cisèlent amoureusement.
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Captures d'écran publicité Fleury Michon (D.R.). |
Moui... Il faut déjà savoir qu'un jambon cuit est forcément réalisé à l'aide de plusieurs morceaux de jambons, de porcs différents, donc. C'est bien sous forme de pièces découpées (ci-dessous) que la viande arrive à l'usine Fleury Michon.
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Photo La Voix du Nord. |
Et là, le clou du spectacle : un jambon d'une seule pièce, que l'on passe manuellement à la trancheuse, le cuistot déposant délicatement chaque tranche sur une feuille de papier charcutier.
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Captures d'écran publicité Fleury Michon (D.R.). |
Alors là, comment vous dire ?.. Faisons comme saint Thomas : les deux photos ci-dessous vous aideront à comprendre.
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Photo La Voix du Nord. |
Ce premier cliché, ce sont des jambons "entubés", ce qui est, concédons-le, bien plus pratique pour enfiler dans l'orifice de la trancheuse industrielle - au passage, vous imaginez la taille du "faitout" pour faire cuire une telle pièce.
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Photo Ouest France. |
Cette seconde prise de vue, c'est la bécane qui dépose précautionneusement les tranches de jambon dans la barquette plastique thermoformée.
Bon, j'avoue, si on filmait les chaînes de l'usine agro-alimentaire pour vendre du jambon, ce serait beaucoup moins attrayant. Et puis, ça se trouve, même fabriqué industriellement, il est peut-être bon ce Fleury Michon recette authentique...
Authentique ? Vraiment ? Retrouvons Laurent
"quand une recette est bonne, il n'y a pas de raison d'en changer" Marko dans ce reportage (diffusé sur France 5, la chaîne qui fait peur, chaque dimanche soir, avec ses enquêtes consommation) sur les méfaits du sel.
C'est pas moi qui le dit, c'est Laurent Marko ! Pour compenser le retrait de l'excès de sel dans la nourriture, on ajoute d'autres ingrédients pour donner du goût. Comme en 1905...
<> dixit Jacques SEGUELA qui sait de quoi il parle (EURO RSCG - HAVAS ADVERTISING). Mais pas pour nous informer de la face cachée de l'iceberg, ou nous affoler, sauf en cas de pub décalée œuvre d'un créatif en délire. On se doute bien que tout n'est pas rose dans leur monde, même si "dans le cochon, tout est bon" formule inventée - peut-être - par un marchand de chaussures en pécari.
RépondreSupprimerCe qui me heurte c'est, écrit très gros sur les barquettes : " 25 % de sel en moins* " pour surfer sur la vague nécessaire de la com anti-obésité, anti maladies cardio-vasculaires, etc... Lisons attentivement : tout est dans l'astérisque (et périls…) qui suit le pourcentage affiché ; un peu comme dans les contrats d'assurances : méfiance. On y lit : "par rapport à la moyenne du marché". En voilà une info qu'elle est bonne ! On s'attendait à ce que cela soit par rapport à la précédente recette du même fabricant. Que nenni. Encore un coup du Directeur marketing qui brainstorme (pardon remue les méninges de son équipe) à longueur d'année pour nous vendre … une tranche de jambon ! Dur labeur.